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Petite généalogie visuelle

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L’un des rôles dévolus à la une est relativement clair dans l’économie des journaux papiers : capter l’acheteur occasionnel de passage au kiosque. Pour ce faire peu d’éléments à disposition : un ou plusieurs titres et une ou plusieurs images, le reste étant trop long à décoder pour celles et ceux qui ne prendront que quelques instants pour choisir tel titre plutôt qu’un autre. Bref il faut faire comprendre en quasiment un regard de quoi on va parler. Et ce chaque jour de la semaine à l’exception du dimanche où on laisse les journalistes du JDD et de l’Équipe se débrouiller. Mais de la répétition naît quelques habitudes de construction des unes de la presse. Petit exercice de généalogie visuelle à partir de la une du quotidien Libération du jour ; le thème : le duel socialo-socialiste entre les deux finalistes de la primaire.

D’abord le titre : accrocheur, incisif et faisant sens dans ce contexte de duel fratricide. Comme dans un film hollywoodien. Genre “Kramer contre Kramer”. Ça sonne bien et pour le côté duel fratricide c’est parfait.

Ensuite il s’agit d’identifier les deux duellistes en présence : Martine Aubry et François Hollande. Et si on peut éviter de reproduire pour la 200ème fois depuis dimanche leurs visages souriants en une, ce ne serait pas plus mal. Tiens, pourquoi pas un effet graphique type profil de leur visage se découpant sur un fond uni ? Comme dans la technique du physionotrace bien ancrée dans nos habitudes visuelles. Puis, afin de jouer la simplification extrême, contentons nous de découpeur leur silhouette à l’image des publicités d’une marque de balladeur numérique.

(à g.) Physionotrace de Louis-Bernard Guyton-Morveau par Quenedey. (à d.) Publicité pour l'iPod

Et puis comme on parle de la gauche et des socialistes autant utiliser un fond rose, un bel aplat de couleur qui sautera aux yeux du lecteur. Et puis le lecteur est habitué à voir du rose quand on parle du PS comme au lendemain des élections régionales de 2010.

Une du quotidien Libération du 22 mars 2010

Mais notre Martine et notre François, il s’agit bien de deux adversaires. Donc autant jouer l’opposition dans cette une. Et comment jouer l’opposition ? En les repoussant chacun à un bout, chacun dans leur coin, front contre front. En outre la recette est éprouvée et marche quelque soit le bord politique.

Une du quotidien Libération du 27 septembre 2010

Et voilà comment vous obtenez la une de ce matin qui, en un clin d’œil, et de loin, vous dit : nous allons vous parler de l’affrontement de deux socialistes entre eux, Martine Aubry et François Hollande.

Une du quotidien Libération du 12 octobre 2010

Bien joué. Et bon courage : demain tout est à recommencer. Heureusement le jeu sur les signifiants visuels est quasiment sans fin et fonctionne à tous les coups. Pour le plus grand bonheur des fabricants de une.

PS : à noter que les crédits des deux photographes dont les images ont servi de support pour le détourage des profils des candidats, Jean-Luc Luyssen/ABACA pour François Hollande et Debis/REA pour Martine Aubry, sont mentionnés sur cette une.

MàJ du 13 octobre 2011 :

(à g.) Une de l'hebdomadaire Les Inrockuptibles du 12 au 18 octobre 2011 ; (à d.) une du quotidien Libération du 13 octobre 2011

Petite mise à jour de cette généalogie visuelle avec deux nouvelles unes qui me permettent de rebondir sur les commentaires suscités par cet article. La première, celle des Inrockuptibles, que l’on pourrait sous-titrer “Pendant ce temps-là aux Inrock’”. Même principes de compositions mais avec des profils photographiques en noir et blanc se détachant sur un fond rouge. Duel de regards, tension maximum. Le titre achève d’orienter la lecture de cette une, beaucoup plus “dure” finalement que celle de Libération. (Merci à Frédéric Stucin pour le signalement). La seconde une est celle du numéro du jour de Libération : même protagonistes chacun dans leur coin mais cette fois ci leurs visages ont changé d’orientation et font face aux lecteurs. Or cette simple volte-face permet d’atténuer voire d’effacer d’un coup la tension que l’on peut lire dans les unes avec profils ; ce qui renforce l’argument des habitudes de construction visuelle à l’œuvre dans la presse et que ces habitudes font sens commun. Il est également intéressant de relever que la photographie en une de Libération et que l’on doit à Sébastien Calvet, est construite à partir des images du débat télévisuel d’hier soir opposant les deux candidats, une image télévisuelle beaucoup plus efficace je trouve quant il s’agit de jouer l’égalité de traitement : même dispositif de prise de parole pendant les débats, égalité de temps de parole etc.


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