Quantcast
Channel: Sous le capteur l'image » En images
Viewing all articles
Browse latest Browse all 10

Edito visuel

$
0
0

Une de Libération du 1er février 2011 - Photo : Marco Longari / Agence France Presse

Le traitement médiatique des révolutions tunisienne puis égyptienne, notamment la place occupée par l’image, a été plusieurs fois évoqué avec justesse sur Culture visuelle, que ce soit par Olivier Beuvelet, André Gunthert ou encore Béat Brüsch (liste non exhaustive). Je n’avais donc pas spécialement l’intention de revenir sur le sujet. Jusqu’à ce matin où la journaliste en charge de la revue de presse de 8h30 sur France Inter entame son papier par la description de la photographie en une du Libération du jour, précisant que la même photographie est publiée en une de l’International Herald Tribune. Ce signalement est intéressant car il permet de mesurer comment dans la construction d’un journal la une a un rôle central : ce qui est en une est ce qui est important. Or, comme l’a déjà mentionné André Gunthert, la une est toujours objectivée par les journalistes : en l’occurrence la journaliste ne dit pas Libération et l’International Herald Tribune font leurs unes sur les événements en Égypte mais commence par un “Et bien sûr toujours l’Égypte à la Une des quotidiens ce matin…”  Ton de l’évidence pour masquer une construction médiatique. Or, comme on va le voir, le simple fait de comparer les deux unes en question permet justement d’en mesurer tout le caractère construit.

Une de l'édition européenne de l'International Herald Tribune du 1er février 2011 - Photo : Marco Longari / Agence France Presse

En effet la même photographie de Marco Longari de l’Agence France Presse, un capitaine de l’armée égyptienne portée par la foule et embrassant le drapeau national, illustre la une des deux quotidiens mais si dans le cas de l’édition européenne de l’International Herald Tribune, elle est publiée telle que proposée par le fil AFP, en une de Libération en revanche elle est fortement recadrée pour s’intégrer à la mise en page du journal. Ce recadrage est anodin et justifié par les contraintes du format de la page. Mais ce simple recadrage, par l’accentuation de l’effet dramatique de l’image, par la disparition d’un détail, un téléphone portable, par, en définitive, sa mise en conformité avec les canons de l’imagerie révolutionnaire, induit une lecture de l’événement que l’on veut nous présenter comme objectif. Et finalement quelle différence entre cette image, présentée comme documentaire, et l’édito lyrique de Laurent Joffrin que l’on peut lire en page 2 du journal ? Aucune car l’une comme l’autre sont des discours construits, mais si l’un, l’éditorial, défini comme un article qui reflète la position du journaliste ou de la rédaction sur un thème d’actualité, assume ce statut, l’autre, la photographie de presse, beaucoup moins. Ceci est bien entendu relativement anodin mais il est toujours intéressant de pouvoir mettre en lumière la cuisine interne des pratiques journalistiques, et en particulier quand elle concerne la photographie, partie de l’iceberg généralement la moins questionnée et pourtant la plus “vue”.


Clin d’œil : en rédigeant ce post, je me suis rendu sur les sites Internet des deux quotidiens et, surprise, j’y ai trouvé encore une fois la même photographie concernant les événements en Égypte. Je n’ai pas voulu intégrer ces visuels directement à mon signalement car je trouve qu’ils décalent le point de vue sur une autre problématique, l’uniformité du regard médiatique sur les événements d’actualité, mais les voici sous forme de nota bene.

(à g.) Page d'accueil du site www.liberation.fr le 1er février 2011 à 10h55 - (à d.) Page d'accueil du site http://global.nytimes.com le 1er février 2011 à 9h03 GMT - Photo : Suhaib Salem / Reuters



Viewing all articles
Browse latest Browse all 10

Trending Articles